LE WINTER PALACE

MENTON

Une « merveille absolue… » 

Selon Dominique FERNANDEZ *

(Dans son magnifique livre « Menton », 2001, éditions Grasset)

* Dominique FERNANDEZ, écrivain, est membre de l’Académie Française, Prix Médicis 1974, Prix Goncourt 1982. Il est un des principaux spécialistes du Baroque méditerranéen. 

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Le Winter Palace est inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques depuis 1975.

Il a été labellisé « Patrimoine du XXème siècle  » en 2001 par le Ministère de la Culture et de la Communication.

La construction de l’hôtel débuta en 1901 sous la direction de l’architecte Joseph-Albert Tournaire ** au bénéfice de la « Société Hôtelière des Îles Britanniques ». L’hôtel ouvrit ses portes le 1er janvier 1903.

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** Joseph-Albert TOURNAIRE (1862-1958) est un architecte de renom, lauréat du Prix de Rome en 1888. Il a été nommé architecte en chef de la ville de Paris et de l’exposition coloniale de 1931. Il a édifié la villa « Arnaga » d’Edmond Rostand à Cambo-les-Bains et a dirigé notamment les travaux d’embellissement de la villa Ephrussi à Saint-Jean-Cap-Ferrat et du Palais de Justice de Paris.

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Classé dans la catégorie des hôtels de grand luxe, l’hôtel comportait 220 chambres et suites. Il était équipé de tous les derniers perfectionnements du « confort moderne » de l’époque : garage, électricité, chauffage central, ascenseur, salle de bain ou cabinet de toilette dans les chambres, restaurant, fumoir, salons de billard, de lecture, de bridge, salon « des dames », etc…

Son personnel permanent dépassait la soixantaine d’employés, sans compter la domesticité particulière qui accompagnait souvent les clients. Une entrée et un escalier de service, ainsi qu’un monte-charge à bagages étaient réservés au personnel afin de ne pas perturber la tranquillité des clients.

L’hôtel accueillit dès son ouverture les riches hivernants de l’aristocratie européenne, essentiellement anglaise et russe, qui y séjournaient souvent plusieurs mois, le climat de Menton étant réputé à l’époque comme étant le meilleur d’Europe pour la santé. Ce fut la période la plus faste de son existence qui dura jusqu’à la veille de la guerre de 1914-1918.

QUELQUES UNS DE NOS HÔTES CELEBRES…

ERNST II de SAXE-ALTENBURG (0871-1955) fut le dernier duc du Duché de Saxe. A l’époque de son séjour au Winter, il servait comme officier à l’Etat-Major Général de l’armée prussienne. Il n’a en effet succédé à son oncle Ernst Ier à la tête du Duché que trois ans plus tard.

Durant la première guerre mondiale, il fut le commandant en chef de la 8ème division d’infanterie prussienne.

Il abdiqua en 1918 et porta alors le nom de Ernst von Rieseneck jusqu’à sa mort dans l’ancienne RDA.

RAMA V (1853-1910), plus connu sous le nom de CHULALONGKORN, était le 5ème roi de la dynastie CHAKRI qui régnait sur le Siam (l’actuelle Thaïlande) depuis la fin du 18ème siècle.

Retirant les leçons de ses voyages à l’étranger, dont la France, il fut un grand modernisateur de son pays : administration, poste, chemins de fer, université, école militaire, système décimal, abolition de l’esclavage…

Malgré la pression colonisatrice occidentale, il réussit à faire du Siam le seul pays d’Asie du Sud-Est à avoir conservé son indépendance.

John Davison ROCKFELLER (1839-1937) est le fondateur de l’empire américain du pétrole (Standard Oil, Esso, ExonMobil).

Il fut l’homme le plus riche du monde de son temps : à l’époque de son séjour au Winter, il possédait 90% du pétrole US.

Grand industriel, ce fut aussi un philanthrope qui créa la fondation qui porte son nom.

FERDINAND 1er de Bulgarie (1861-1948) était un prince de la famille de Saxe-Cobourg et Gotha. Trois ans seulement après son séjour au Winter, il prit le titre de « Tsar des Bulgares » et rompit avec l’empire Ottoman.

Il se rangea maladroitement aux côtés des empires centraux durant la première guerre mondiale dans l’espoir de conquêtes territoriales, mais après la défaite, il fut contraint à l’abdication en 1918 et partit en exil en Allemagne.

HEINRICH Graf TAAFFE (1872-1928) était un grand aristocrate autrichien de la famille des Habsbourg, fils du Premier Ministre Impérial, le Baron Eduard TAAFFE.

Comte autrichien, il était également un authentique Baron irlandais, sous le nom de Ballymore.

Après la défaite des empires centraux, il fut déchu de ses titres de noblesse, tant autrichiens qu’irlandais.

PREMIERE GUERRE MONDIALE

Durant les cinq années de guerre, Le Winter fut affecté au logement des médecins-officiers, ce qui lui valut d’être relativement préservé par rapport aux autres hôtels mentonnais qui furent transformés, pour la plupart, en hôpitaux militaires de l’arrière et durent être modifiés en conséquence.

La situation de l’hôtel redevint assez florissante durant les années folles.

Elle commençait cependant à décliner à la fin des années trente lorsqu’éclata la seconde guerre mondiale.

SECONDE GUERRE MONDIALE

L’hôtel fut alors successivement occupé par les forces italiennes de 1940 à 1943, puis par les forces allemandes.

Puis, à l’été 1944, il servit de Poste de Commandement à la First Special Service Force commandée par le Général FREDERICK (que Winston CHURCHILL qualifiera de « Meilleur Général de tous les temps »), notamment au 2nd Battalion canadien (Lieutenant-Colonel WILLIAMSON) qui participa à la libération des villages situés au Nord de Menton.

Il reste une photographie d’un officier canadien (Lieutenant Herbert GOODWIN) sur une terrasse du Winter en septembre 1944.

Après-guerre, l’hôtel ne parvint jamais à retrouver son équilibre, servant quelques années à l’accueil d’un centre culturel international.

Il fut vendu en 1958 par l’intermédiaire d’un promoteur et transformé en résidence privée.

La résidence comporte aujourd’hui une centaine d’appartements détenus par des propriétaires cosmopolites : essentiellement français, mais aussi italiens et anglais, ou encore allemands, belges, canadiens, suédois, suisses, portugais, etc…

La façade de l’immeuble « offre un mélange de style d’apparat Louis XVI et de charme italianisant, comme si on avait transporté l’hôtel Crillon sur la Côte d’Azur en l’assouplissant par des influences liguriennes * ».

Le Winter a conservé intacte sa façade, ainsi que son hall d’entrée à colonnes et son ancien fumoir en demi-rotonde vitrée.

Dans le cadre de son inventaire général du patrimoine culturel initié depuis 1964 par André Malraux, la Région PACA a réalisé une étude du patrimoine balnéaire des Alpes-Maritimes et du Var, « emblématique du développement de la Côte d’Azur et de la richesse de ses réalisations, dont le Winter Palace est l’un des plus beaux exemples« .***

*** Direction du service du patrimoine de la Région PACA. Mai 2016.